Donald Trump, un mauvais clown chez les républicains

Article : Donald Trump, un mauvais clown chez les républicains
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31 mars 2016

Donald Trump, un mauvais clown chez les républicains

Une de mes amies est tombée pour Trump, son choix est fait. Je ne comprends pas comment, ni pourquoi, mais j’essaie.

« Je voterai pour Donald Trump », attention, ce n’est pas moi qui le dis, rassurez-vous ! Cette affirmation est celle d’une grande amie, une amie de longue date. Une amie que j’aime beaucoup, qui a les pieds sur terre et la tête bien sur les épaules ; une amie d’origine africaine, une musulmane, une immigrée, arrivée il y a plus de vingt ans aux Etats-Unis. Vous comprendrez mon choc. Alors que depuis plusieurs mois je clame sur les toits – et dans mes billets de blog –  mon aversion pour le personnage de Trump, et que je fustige tous ceux dont je pense qu’ils ont perdu la tête pour le clown républicain, voilà maintenant que, dans mon entourage immédiat, quelqu’un crie haut et fort son amour pour Donald Trump ! Comment est-ce possible ? Je me le demande encore.

J’essaie de comprendre les raisons de ce choix et les arguments de mon amie. Avant tout, elle aime bien le slogan de Trump « Make America great again » (faire que l’Amérique soit grande à nouveau), rendre l’Amérique puissante, une fois encore. Soit, c’est un slogan qui a du peps, ça donne la pêche, mais c’est surtout attrayant pour ceux qui aiment le style grandiloquent du personnage. Dans tous les discours et dans toutes les interviews de M. Trump, le mot « win » (gagner) revient sans cesse, Donald Trump veut être un « winner » dans une Amérique « winneuse« . Le gros problème c’est que jamais il explique son plan d’action, il ne rentre pas dans les détails de ce qu’il compte faire concrètement pour « gagner ». Un peu facile … un slogan c’est bien, un plan concret pour y arriver c’est mieux. Tout ce que nous savons c’est que Donald Trump s’en prendra à tous ceux qui le gêneront, il s’en prendra à tout ce qui pourrait lui faire obstacle, c’est à dire les mexicains, les chinois, les musulmans, et peut être aussi les femmes (avez-vous entendu les derniers propos de M.Trump au sujet de l’avortement ?).

Mon amie pense que Trump a les moyens de réussir pour « make America great again », elle dit qu’avec son « business flair » il saura diriger le pays comme une entreprise. « Hmm, really, United States, Inc ? » voilà ce que je lui réponds toujours, avec un petit sourire narquois, et j’enchaîne : « pour l’instant il m’a plus l’air d’un clown que d’un PDG ! « . Mais elle n’est pas d’accord :  » pas du tout ! il joue simplement le jeu des médias ». En effet, jusqu’ici la stratégie de Trump est très claire, créer le « buzz » par tous les moyens. Il lance des piques dès qu’il le peut pour créer le scandale, du coup tous les médias en parlent et cela lui permet de rester à la Une, il est hyper médiatisé. Mais, s’il était élu, comment ferait-il en tant que président ? Le rôle d’un président est-il de créer du scandale sans arrêt ? Que fera-t-il à la place de créer du scandale ?  Voilà ce que je demande à mon amie.  Après avoir approfondi les divisions politiques et sociales pendant sa campagne, il pourra commencer par réparer ses propres dégâts, rassembler le peuple américain et « make America great again » par la même occasion ? J’en doute.

Parmi les arguments de mon amie il y aussi la question raciale. Comme beaucoup de gens aux Etats-Unis, mon amie pense que Barack Obama n’a pas tenu sa promesse de changer les mentalités sur la question raciale dans le pays, pour beaucoup, après les espoirs qu’il nous a donné, c’est une grande déception. Donald Trump arrivera-t-il à faire mieux ? Cet argument est celui qui me choque le plus venant de mon amie ; c’est quand même elle qui avait affiché un calendrier de Barack Obama dans son bureau, après qu’il eut été élu ! Aujourd’hui elle se dit déçue de la performance d’Obama, d’accord, mais de là à soutenir celui qui réfute la légitimité de l’actuel président, et qui va jusqu’à douter de sa nationalité et qui lui réclame de publier son acte de naissance… il y a un (énorme) pas que je ne franchirai pas.

Comment est-il possible ne pas voir que Barack Obama est simplement le produit de cette Amérique de plus en plus métissée, mais qui subit toujours autant la ségrégation ? La société américaine, bien que métissée, est totalement stratifiée, certains groupes construisent leur identité « contre » les autres. Cette Amérique métissée, qui voudrait pouvoir enfin passer à autre chose, vit malheureusement au quotidien une tension raciale bien réelle et la campagne politique de Donald Trump ravive cette tension au plus haut point. Cette Amérique métissée, qui voudrait oublier son lourd passé esclavagiste mais qui se le prend en pleine figure à chaque coin de rue, à chaque coup de force entre policiers blancs et jeunes américains noirs…  Obama n’est pas parfait, loin de là, sur le plan racial ses deux mandats n’ont pas réussi là où d’autres avant lui ont failli, les problèmes raciaux se sont même exacerbés. Cependant, il est irréfutable qu’il a fait de son mieux, le plus adroitement possible.

Comment croire qu’un Donald Trump pourra mieux faire là où un Barack Obama a échoué ? Comment imaginer que Trump pourra réussir alors que quelqu’un comme Obama – qui a su redonner tant d’espoir aux noirs comme aux blancs – qui n’a pu régler les problèmes raciaux ? De tels problèmes se règlent -ils avec du « buzz » et du franc parler sans nuances ? Avec Trump les américains pourront enfin sortir tout ce qu’ils ont sur le coeur, comme une catharsis publique, la haine des apprentis « winner » s’exprimera ouvertement…  est-ce cela aller de l’avant et « make America great again » ? Franchement j’ai du mal à croire que le discours raciste et sexiste de Donald Trump puisse rassembler les masses et unir l’Amérique.

Venons-en à l’ultime argument de mon amie, celui qui me fait le plus grincer des dents : Donald Trump incarne le rêve américain ! Tout le monde sait que Donald Trump est riche, immensément riche. Mais ne cofondons pas tout, être riche ne signifie pas forcément que l’on a réussi par soi même. Hériter de la fortune de son père n’est pas tout à fait dans la ligne du rêve américain. Le fameux « rêve américain » c’est quoi ? C’est partir de rien, se construire tout seul, et finalement réussir. Pour les millions d’américains et d’immigrants qui y croient encore, le rêve américain se fait à la sueur de son front, celui qui veut peut, pourtant ce rêve semble de plus en plus improbable vue la dure réalité de la société américaine aujourd’hui. Une chose est sûre : comme Trump, il vaut mieux naître riche. Dans un pays où les riches deviennent de plus en plus riches, Donald Trump profite de la détresse de la classe moyenne et des classes plus pauvres, qui se sentent abandonnées et qui subissent la crise de plein fouet, il leur fait miroiter d’être les prochains « winner ». Il joue sur leurs ressentiments face aux immigrants qu’ils accusent de prendre leur place dans la quête du rêve américain. Trump leur promet l’impossible, il joue sur la détresse des américains qui croient encore à une Amérique super puissante. Trump leur faire croire au mirage d’un monde idéal où tous les américains seraient prospères et heureux, et où le reste du monde craindrait le géant américain, surpuissant et maître du monde. Scénario idéal, comme dans les films ! Ses militants y croient dur comme fer, ils s’illusionnent ! Ils n’ont pas compris que le monde a changé !

Certes, les américains ont droit à leur rêve, et l’Amérique reste un pays d’opportunités, mais il faut faire face à la réalité du monde actuel. La géopolitique a changé, les américains doivent maintenant compter avec d’autres pays, des pays moins influents sur le plan militaire mais qui ont su construire un nouveau modèle de réussite sociétale et qui sont performants au niveau économique. Regardons vers les Etats d’Europe du Nord, la Finlande par exemple, selon les indices sociaux, c’est le pays où les gens sont le plus heureux au monde. Cela signifie que la société finlandaise sait répondre positivement à beaucoup de critères d’épanouissement pour les citoyens qui y vivent. N’est-ce pas là une vraie réussite politique ? Quel Etat peut se targuer d’être celui où les gens vivent les plus heureux, grâce à une bonne politique sociale qui déjoue au mieux les inégalités sociales ? La Finlande offre une qualité de vie en ce qui concerne l’accès à l’emploi, l’égalité femme-homme, l’épanouissement à l’école… Voilà  l’exemple à suivre plutôt que de rêver d’une utopie, un Etat « maître du monde », qui écrase tout ce qui ne lui plaît pas et exclue tous ceux qui pensent différemment. Avec M. Trump, la différence ne représente pas un enrichissement, elle est synonyme d’exclusion.

Au début de la campagne Trump n’était pas pris au sérieux, mais aujourd’hui, force est de constater qu’il est arrivé là où personne ne l’attendait. Il faut bien reconnaître qu’en plus du sens des affaires, Donald Trump a un réel génie du show politique. Il a su utiliser les médias en sa faveur. Sa devise : « toute publicité est bonne publicité », qu’on parle de lui en bien ou en mal, ce n’est pas le problème, pourvu qu’on en parle. Ca a marché, tant mieux pour lui. A vrai dire, comme beaucoup de personnes aux Etats-Unis en ce moment, je suis fatiguée des débats politiques. J’en ai plus qu’assez de voir Donald Trump sur tous les écrans. J’ai décidé de l’ignorer tant que je peux.  De son côté, mon amie n’a pas réussi à me convaincre. Ses arguments ne tiennent pas, je suis restée imperturbable, et, avouons-le, un peu énervée par tant de naïveté. Plutôt que d’insister, au risque de nous fâcher, j’ai préféré rire et passer à autre chose. Depuis, nous évitons le sujet. Mais elle m’a vraiment surprise, j’en ai gros sur le coeur…  j’écris ce billet parce-que trop c’est trop.

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